Le salarié qui démissionne rompt son contrat de travail à durée indéterminée (CDI). Il en assume,
en principe, la responsabilité. Il faut qu’il n’y ait aucune équivoque sur sa volonté réelle de rompre
son contrat de travail et que sa décision soit définitive.
Les juges peuvent estimer qu’il s’agit d’une prise d’acte de la rupture, susceptible de produire les
effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si l’examen des faits révèle qu’en réalité,
des griefs imputables à l’employeur et rendant impossible la poursuite du contrat de travail sont à
l’origine de la décision du salarié.
I. Les Caractéristiques
A. Le Contrat concerné
La démission ne concerne que les CDI. Il s’agit de la contrepartie du droit de l’employeur de
licencier.
La démission doit donc être distinguée :
- du départ volontaire à la retraite* (bien que le salarié en soit à l’initiative, il s’agit d’un mode
- spécifique de rupture) ;
- de la résiliation du contrat de travail pendant la période d’essai* (les règles relatives à la
- démission et au licenciement ne sont alors pas applicables) ;
- de la rupture anticipée du CDD à l’initiative du salarié
B. La liberté de démissionner
Le salarié a la liberté de démissionner. Il peut le faire à tout moment en respectant un préavis,
sans réelle procédure, sans motif et sans autorisation de l’employeur. Ce dernier ne peut pas
insérer dans le contrat de travail une clause interdisant au salarié de démissionner durant une
certaine période.
Cependant, l’employeur peut, sous conditions restrictives, « dissuader » la démission en utilisant
certaines clauses susceptibles d’entraver cette liberté (Clause de dédit-formation et Clause de
non-concurrence par exemples).
II. La Procédure
A. Pour le salarié
La démission doit être portée à la connaissance de l’employeur. Mais il n’existe aucune exigence
légale de forme en la matière (ex. : pas de notification obligatoire ni d’obligation de motivation).
La volonté de démissionner doit néanmoins être dépourvue de toute ambiguïté.
En pratique, il est donc recommandé de confirmer cette démission par écrit.
En l’absence de clause contraire, la lettre de démission remise à un supérieur hiérarchique
emporte aussi rupture du contrat.
Une démission donnée verbalement est valable même si la convention collective prévoit une
confirmation écrite, dès lors que le comportement du salarié atteste de sa volonté de
démissionner. L’écrit n’est qu’une condition de forme, non une condition de validité.
B. Pour l’employeur
La loi n’oblige pas l’employeur à répondre au salarié qui lui a notifié sa démission. Cette formalité
permet toutefois à l’employeur de s’assurer de la volonté réelle du salarié (il est important de
rappeler dans cette lettre que le contrat est rompu à l’initiative de ce dernier). Ensuite, elle lui
donne l’occasion de rappeler au salarié ses obligations, notamment au sujet du préavis, quand il
est dû.
N’étant pas obligatoire, la lettre d’enregistrement de la démission peut être une lettre simple ou
remise en main propre contre récépissé sur le lieu du travail.
III. La Volonté de démissionner
A. Volonté claire et non équivoque
La démission ne se présume pas. En cas de contentieux, le juge vérifie si, au moment où elle a
été donnée, la démission résultait d’une volonté claire et non équivoque du salarié de mettre fin
au contrat de travail.
En cas de doute, il est conseillé de demander au salarié de se prononcer explicitement par écrit,
avant de tirer les conséquences de la démission (lettre d’enregistrement de la rupture initiée par
le salarié, solde de tout compte, etc.).
B. Pas de démission fondée sur une erreur
Le salarié qui démissionne est censé connaître les conséquences de son choix. Toutefois, il peut
être jugé, selon les circonstances, qu’un défaut de connaissance a provoqué la décision de
démissionner. Dans ce cas, la rupture n’est pas la manifestation d’une volonté libre de
démissionner de sa part.
C. Pas de démission irréfléchie ou rendue sous la contrainte
Une démission découle d'une manifestation de volonté consciente et définitive de rompre le
contrat. Elle ne peut pas résulter de gestes ou de propos inconsidérés du salarié, dus à une
émotion, à un moment d’humeur ou à un état physique anormal. La rétractation très rapide de la
démission peut manifester son caractère irréfléchi ou « contraint.
En tout état de cause, dans de telles circonstances, la prudence commande de ne pas tirer de
conclusions hâtives. Il convient au salarié de confirmer sa décision par écrit.
D. La Future présomption de démission en cas d'abandon de poste
Au 1.01.2023, la seule cessation du travail par le salarié ne suffit pas à caractériser sa volonté
claire et non équivoque de démissionner. L’analyse est la même lorsque le salarié refuse de
reprendre le travail à l’issue d’un événement particulier ou d’une décision de l’employeur qu’il
conteste. Peu importe que ce refus soit ou non justifié.
Une fois adopté, le décret d'application de la loi Marché du travail du 21.12.2022 ayant institué
une présomption de démission en cas d'abandon de poste, la démission pourra être présumée
quand le salarié, en situation d'abandon de poste, sera mis en demeure par son employeur de
justifier son absence et ne répondra pas à cette demande.
E. L’incitation à démissionner de la part de l’employeur
Si l’employeur a usé de pressions ou pris des mesures vexatoires à l’encontre du salarié pour
l’inciter à démissionner, la démission pourra être requalifiée aux prud’hommes en licenciement
sans cause réelle et sérieuse.
A titre d’exemples :
- La démission donnée par un salarié lors d’un entretien avec son employeur et son
supérieur hiérarchique sous la menace d’un licenciement pour faute lourde et du dépôt
d’une plainte, alors que le salarié s’est par la suite rétracté, n’est pas valable ; - Il en va de même pour une lettre de démission écrite dans les locaux de l’entreprise alors
que le salarié venait d’être accusé de vol de matériel, peu important que celui-ci n’ait pas
dénoncé les termes de sa lettre de démission par la suite ; - Une salariée avait été prise en flagrant délit de vol de marchandises par son employeur
dans le magasin où elle travaillait. Elle avait démissionné sous la menace d’appeler les
gendarmes et de porter plainte puis elle s'était rétractée quelques jours après. Ces faits
démontraient l’absence de volonté libre, consciente, expresse, claire et non équivoque de
la salariée.
IV. La Rétractation
Le salarié peut revenir sur sa démission s’il ne l’a pas donnée de façon libre et réfléchie et à
condition de le faire rapidement. Lorsqu’elle est valable, la rétractation s’impose alors à
l’employeur. S’il la refuse, cela risque d’entraîner la requalification de la rupture en un
licenciement sans cause réelle et sérieuse.
À l’inverse, le caractère tardif de la rétractation peut, selon les circonstances, confirmer la volonté
du salarié de démissionner, de sorte que l’employeur pourra estimer être en mesure de refuser la
rétractation sans risquer d’être condamné.
V. Démission et prise d’acte
La prise d’acte et la démission sont deux modes de rupture du contrat de travail distincts : le
salarié démissionnaire quitte l’entreprise « parce qu’il le veut » tandis que celui qui prend acte de
la rupture de son contrat est « contraint » de quitter l’entreprise.
A. La Démission en raison de faits reprochés à l’employeur
Le salarié qui motive sa démission par l’attitude fautive de son employeur peut tenter d’obtenir
aux prud’hommes la « requalification » de cette rupture en prise d’acte de la rupture.
Celle-ci produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la
justifiaient. Dans le cas contraire, elle produit les effets d’une démission.
Quand une démission est requalifiée en prise d’acte, avec les effets de licenciement sans cause
réelle et sérieuse, le salarié, qui a effectué son préavis dans le cadre de sa démission
« requalifiée », n’a pas droit à l’indemnité compensatrice de préavis
Si la prise d’acte produit les effets d’une démission, le salarié doit, en principe, à l'employeur le
montant de l'indemnité compensatrice de préavis.
B. La prise d’acte de la rupture ou nullité de la démission
Un salarié ne peut pas en même temps invoquer un vice du consentement de nature à entraîner
l’annulation de sa démission et demander que cette démission soit analysée en une prise d’acte
de la rupture* de son contrat de travail en raison de faits et manquements imputables à
l’employeur.
C. Démission en apparence dénuée de reproches envers l’employeur
Lorsqu’un salarié démissionne sans réserve et sans invoquer un vice du consentement de nature
à remettre en cause sa décision, le juge procède aux vérifications suivantes si l’intéressé invoque
ultérieurement des manquements qu’il impute à l’employeur et décide, en conséquence, de
revenir sur sa démission.
Le juge vérifie, en premier lieu, si la démission était ou non équivoque à la date où elle a été
donnée en examinant les circonstances antérieures ou contemporaines de la démission. Si ces
circonstances rendent effectivement la démission équivoque, il est nécessaire de considérer
qu’en réalité, le salarié a procédé à une prise d’acte de la rupture* du contrat, avec les
conséquences qui en résultent.
Si les faits invoqués par le salarié :
- justifiaient la rupture du contrat, celle-ci produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et
sérieuse ; - ne rendent pas légitime la rupture, celle-ci produira les effets d’une démission, quelles que
soient les apparences équivoques de cette dernière.
Le salarié doit contester sa démission dans un délai raisonnable, laissé à la libre appréciation des
juges.
VI. Le préavis de démission
A. Durée prévue par la loi, la convention collective ou un usage
Le salarié doit respecter le préavis prévu par la loi, par la convention collective ou, à défaut, par
les usages pratiqués dans la localité et la profession.
Le plus souvent, la durée du préavis résultant des usages (dont la preuve revient à celui qui
l’invoque) ou des conventions collectives est fixée à :
- -1 semaine pour les ouvriers ;
- -1 mois pour les employés, techniciens et agents de maîtrise ;
- -3 mois pour les cadres.
Ni l’employeur ni le salarié ne peuvent imposer à l’autre un délai de préavis différent de celui
prévu par la loi, le contrat de travail, la convention collective ou les usages.
B. Durée prévue par le contrat de travail
Lorsque la loi, la convention collective ou, à défaut, les usages pratiqués dans la localité et la
profession ne prévoient pas de préavis de démission, le préavis ne peut résulter ni du seul
contrat de travail), ni d’un règlement intérieur. Dans ce cas, le salarié n’effectue pas de préavis et
l’employeur n’a droit à aucune indemnité compensatrice.
En l’absence de dispositions légales et conventionnelles applicables, il faut rechercher s’il existe
des usages pratiqués dans la localité et dans la profession.
Pour autant, le contrat de travail peut aménager le préavis de démission prévu par la loi, la
convention collective ou les usages. Ainsi, il peut prévoir un préavis de démission plus court que
celui fixé par la convention collective, mais pas une durée plus longue.
C. Point de départ du délai
En matière de préavis de démission, le préavis court à compter de la notification de la démission
Cependant, le salarié peut différer le point de départ du préavis, décision qui s’impose à
l’employeur. Il est, par exemple, possible pour un salarié tenu à un mois de préavis de
démissionner le 3 juin en précisant que sa démission prend effet le 30 juillet seulement. Dans ce
cas, l’employeur doit rémunérer le salarié jusqu’à la date du 30 juillet.
D. Délai sans suspension, ni interruption
Le délai de préavis est un délai préfix ne comportant, sauf convention contraire ou accident du
travail au cours du préavis, ni suspension ni interruption, notamment pour maladie ou accident
non professionnel. L’échéance du préavis ne peut pas être reportée, sauf en cas :
- D’accord des parties ;
- De congés payés car, sauf accord entre l’employeur et le salarié, la période de congés
- payés ne se confond pas avec le préavis ; celui-ci est donc prolongé d’autant ;
- De circonstances prévues par la convention collective ;
- D’arrêt pour accident du travail ou de maladie professionnelle.
VII. Obligations de l’employeur
A. Sommes dues
L’employeur peut être tenu de verser au salarié démissionnaire les sommes et indemnités
suivantes :
- L’indemnité compensatrice de congés payés si l’intéressé n’a pas pris tout le congé auquel sa présence dans l’entreprise lui donnait droit;
- L’indemnité compensatrice de préavis si l’employeur a pris l’initiative de dispenser le
- salarié de son exécution ;
- l’indemnité de non-concurrence prévue par la convention collective ou le contrat de travail en cas de clause de non-concurrence ;
- les droits éventuellement acquis au titre de la participation des salariés aux résultats de l’entreprise ;
- les autres éléments de salaire prévus par le contrat de travail ou par la convention collective (gratifications, primes, etc.) et restant dus à la date de la démission.
B. Documents à remettre au salarié
L’employeur doit remettre au salarié le certificat de travail, le reçu pour solde de tout compte,
l’attestation d’assurance chômage et, le cas échéant, un état récapitulatif de l’épargne salariale.
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